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de bonne guerre

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a tambours battants

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au-dela du stade

 

 

De supporters à la mode à enfants terribles il n’y a qu’un pas. D’animateurs des tribunes à hommes à abattre, les ultras du Caire passent d’un statut à l’autre en un rien de temps au bon vouloir du gouvernement. Victimes de violences et de répressions policières, les groupes ultras contre-attaquent.

 

À Dar as Salam, à Maadi ou à Héliopolis, tous trois différents quartiers de la capitale égyptienne, des réunions d’ultras se tiennent régulièrement en pleine rue. Ces rassemblements sont orchestrées par les capos (leaders) du district et semblent apporter un peu de démocratie dans ce régime autoritaire de Moubarak.

 

Chacun peut avoir la parole, mais les décisions reviennent aux têtes de groupes. Des votes sont parfois mis en place pour décider du nouveau chant ou d'une nouvelle bâche. Un vent de renouveau dans la jeunesse égyptienne qui ne connaît jusqu’à lors que le mode de vie de leurs parents quelque peu soumis au gouvernement.
 

Des rassemblements aux allures de réunions politiques... c’est justement ce que veulent éviter les membres des groupes ultras d’Al Ahly et de Zamalek. « Nous sommes passionnés et on le montre par les chants, les tifos et les tambours. On s’en fiche de la politique ! C’est dans notre mentalité » explique Khaled, ancien partisan des Ultras Ahlawy, en repensant aux réunions auxquelles il a assisté dans son quartier, à Héliopolis. 
 

Ronnie Close, chercheur à l’Université américaine du Caire, auteur et réalisateur qui a longtemps travaillé sur la question des ultras égyptiens confirme : « Les ultras étaient plutôt dans une idée de défier le gouvernement, mais ils n’ont pas d’idées politiques. Mais la force du mouvement c’est que vous avez des musulmans et des chrétiens mélangés, des gens de de classes supérieures avec ceux de classes ouvrières, ensemble. Ce qui n’existait pas dans la société égyptienne avant. »

 

Cette idée de groupe est justement le fondement même de la nature politique de ces mouvements ultras pour Sébastien Louis, historien spécialiste des mouvements ultras. « Privilégier le groupe à une société extrêmement individualiste : c’est politique », prévient le chercheur. 

Depuis leur création en 2007, les ultras cairotes se font entendre dans tous les stades d’Egypte, à domicile comme en déplacement. Cette communion de supporters au supplément d’âme fait vibrer les tribunes et les joueurs dans le stade et ébranle légèrement la police présente dans le stade.

 

À ce moment-là, cela ne dépasse pas l’enceinte sportive comme le confirme Saïd Sadek, chercheur égyptien en politique et en sociologie. « De 2007 à 2011, la plupart des participations, des présences dans le stade n’étaient pas politiques. C’était juste des clashs avec la police mais rien de politique. C’était des slogans nationaux, parfois des slogans à l’encontre de la police. Mais rien contre Moubarak, rien contre le gouvernement. » En revanche plus qu’ailleurs, les accrochages avec la police se faisaient de plus en plus ressentir au Caire. 

 

Une certaine prise de conscience collective entre dans les esprits des UA07 et des UWK 07. Bien qu’épargnés jusqu’à lors, les stades commencent à faire l’objet de contrôles et de réprimandes plus fréquentes. Et pour cela, leur meilleure arme c’est leur voix. « Au début, on chantait pour exprimer notre fidélité au club. Ensuite, sont apparus des chants pour la liberté des ultras dans le monde. Je me souviens du chant “Ultras, sang de la vie”. Les paroles et les mots exprimaient la liberté des ultras, la liberté de ce que l’on faisait dans le stade, en tribunes » observe, nostalgique, Golden l’Ultra White Knights du Zamalek SC

 

Pendant deux ans, cela se passera de la sorte sans trop de heurts, sans trop de désapprobation venant d’en haut. « On avait un président qui dormait. Il était au pouvoir depuis trente ans et les six ou sept dernières années il n’a rien dit », justifie Khaled, fidèle du club d’Al Ahly. « Mais en 2009, c’était plus contrôlé. J’avais 13 ans et j’étais fouillé 4 fois. Et la façon d’être fouillé c’est pas comme ici. Il fait tout le corps. Même … tu vois ? » Oui, on voit. 

Dans une Egypte où la pression est en train de monter doucement mais sûrement chez les habitants, ces manifestations dans les stades commencent à cueillir un large public, d’horizons variées. « Et parce que c’est quelque chose que les autorités n’ont pas compris, ces adhésions de diverses catégories de la population, ils se sont vus obligés de le contrôler » poursuit l’auteur de Cairo's Ultras: Resistance and Revolution in Egypt's Football Culture.

 

Voyant l’opinion publique céder à la tentation et au ralliement à la cause des supporters cairotes, tous les moyens sont bons pour freiner le phénomène. C’est en passant par les médias, majoritairement très liés au gouvernement (143ème pays du classement 2009 de la liberté de la presse de Reporter Sans Frontière), que les choses vont bouger.

 

« Pour les médias, c’était magnifique. Ils nous présentaient comme des jeunes qui donnaient une bonne image du club. Mais à l’époque, c’était flou explique Golden. Ils ne savaient pas qu’on était contre la tyrannie et le pouvoir, notamment. » De jeunes faisant du bruit dans les stades les jours de match, ils passent à parias. 

 

La télévision et les journaux les font passer pour de dangereux personnages qui agressent la police sans raison. « En réalité c’est la police qui fait de la merde. Notre influence à nous c’était de dire aux gens de ne pas avoir peur de la police » se défend Khaled, nous montrant des vidéos pour appuyer ses propos. Le jeune homme installé à Paris pour ses études se désole de ces discours, qui conduiront les mois suivants aux débuts d’une grosse répression subie par les jeunes égyptiens. 

Jour de derby au Caire. Khaled se rend au stade pour assister à cette rencontre au sommet, la plus prestigieuse du championnat, grâce aux palmarès des deux équipes. 12 titres nationaux pour le Zamalek SC et 42 pour le Al Ahly SC. « Le top top », s’amuse le jeune de 25 ans aujourd’hui, des étoiles encore plein les yeux. Habitué aux portiques de sécurité, il l’était moins à la file impressionnante de personnes qui attendaient pour rentrer dans l’enceinte du stade. « Ça a pris une heure pour faire 100 mètres ! », promet Khaled


La police les attendait à l’entrée. Et elle terrifiait les supporters. « À ce match-là, ils n’ont pas accepté qu’on entre avec les tambours. Dans mes souvenirs, c'est le premier match où il y avait des problèmes ». Nous sommes en 2009. La situations se dégradera par la suite. Policiers en civil dans les tribunes qui embarquent des membres des groupes aléatoirement et sans raison, arrestations préventives des leaders avant les matchs, interdictions en tout genre… Les membres des UA07 et des UWK07 ont dû faire face à des situations inexplicables.

2009 marque le début d’une nouvelle ère chez les ultras du pays des pharaons. Celle de l’expression mais aussi celle de la répression. « on était traités comme de la merde mais on ne pouvait rien faire. Notre moyen de riposter c’était de chanter dans le stade. En 2009 durant les matchs, les policiers étaient plus nombreux que nous », enchaîne Khaled, révolté.

Golden garde lui aussi de mauvais souvenirs de cette période avec la police. « Comme d’habitude, on rentre au stade avec les tambours et notre bâche. Mais la police a commencé à nous déranger, à nous interdire par exemple de chanter certaines chansons ou d’insulter les adversaires. Sauf que non. Nous sommes ici dans notre tribune. On est libres de dire ce que l’on veut. Des policiers ont ensuite essayé de nous arracher les tambours. On a alors commencé à se défendre… »

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Martyrs, le destin des Ultras du Caire 

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Retour dans la chambre

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« De 2007 à 2011, c'était juste des clashs avec la police, mais rien de politique »

 

SAID SADEK

« Notre influence c'était de dire aux gens de ne pas avoir peur de la police »

 

KHALED

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place tahrir vue de talaat harb street

tag d'un enfant portant le maillot du Zamalek, a maadi

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« Les stades de foot sont devenus des endroits où les gens peuvent défier la police et le gouvernement par leurs chants, leurs cris. Ça ne peut pas être vu ailleurs, analyse Ronnie Close. C’est donc un gros problème pour le gouvernement, de plus les matchs sont diffusés et les gens aiment le footballEn Egypte, le football est presque comme une religion, c’est littéralement des millions de gens qui suivent les matchs. »,

Mais ce n’était en aucun cas prévu ni visé par les supporters. 

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Golden

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khaled

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Ronnie close

« Nous, ce que l’on veut, c’est la liberté simple. De vivre comme des êtres humains. Eux, ce qu’ils souhaitaient, c’est que l’on vive comme eux le voulait. », explique Golden.

Ou une autre fois, Golden se souvient « d’un match de Ligue des Champions africaine. Les portes de notre tribune étaient fermées. On ne pouvait pas rentrer. La police nous a repoussé. On a alors décidé de passer par l’autre côté du stade, par la tribune Nord. Ils nous ont dégagé avec des gaz lacrymogènes. C’était dans la rue, devant le stade. Il y a d’autres personnes, des supporters lambdas, qui ont été touchés ». 

 

Il est persuadé que par manque d’expérience avec ces jeunes groupes, l’Etat et la police ont préféré contrôler et censurer plutôt que d’apprendre à gérer.

La violence appelant la violence, c’est dans une lutte sans fin que s’emmanchent les deux camps, chacun leurs armes. Utilisés dans les virages pour diffuser un message chaleureux de soutien, les fumigènes deviennent les moyens de riposte des jeunes. Utilisés comme projectiles sur les forces de l'ordre, ils sont maintenant redoutés et doublement refusés à l’entrée des stades et aux abords. « On dit très souvent que notre arme, en tant qu’ultra, c’est le fumigène. C’est ce qui permettait de nous défendre face à la police, développe GoldenMais c’est aussi une arme pour exprimer qu’on est présent, pour montrer que l'on existe, et que l'on est contre ce que fait le pouvoir ou la police en Egypte. »

 

Les chants sont eux aussi de plus en plus vindicatifs à l’encontre du pouvoir et de la police. Les déplacements se font de manière plus visible, plus bruyant. Les tensions entre les deux clubs de la capitale s’accentuent, avec des attaques plus récurrentes entre les deux camps. 

 

Dans ce régime où l’ordre règne, les ultras deviennent les seuls à s’opposer aussi fermement et violemment à la police. Ils sont en passe de devenir les enfants terribles de l’Egypte. Khaled se souvient enfin de ce déplacement à Port-Saïd, à l'est du pays, pour un match qui opposait l’équipe de la ville, Al-Masry, à Al Ahly. Un match où les ultras cairotes avaient fait beaucoup de dégâts dans la commune sur le chemin du stade. Des vitrines brisées, des gens frappés. Ils ont laissé la ville dans le chaos. 

 

Tous ces évènements mis bout à bout forgeront à tous une expérience de la violence policière, de la violence entre supporters. Mais surtout une expérience de la riposte et de ne jamais plus se laisser faire.

 

Au service de leur pays, les ultras du Caire deviendront les bras de la révolution quelques mois plus tard. 

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