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Au cœur de la capitale égyptienne se trouve une place. Tahrir, que l’on pourrait traduire comme Place de la Libération. Au croisement de toutes les artères principales du Caire, ce sont des millions de voitures qu’elle voit passer chaque jour. Mais le 25 janvier 2011, cette place désormais mythique prend toute sa symbolique lorsque des milliers de Cairotes décident de s’y rejoindre et de lancer ce qui deviendra la Révolution égyptienne. 

 

Si les instigateurs ont choisi cette date, ce n’est pas un hasard. En Egypte, le 25 janvier, c’est la fête nationale de la police.

 

Mais cette année-là, ce n’était pas elle qui s’apprêtait à être célébrée. « Wael Ghonim a appelé tout le monde à descendre place Tahrir pour la fête de la police, rapporte Khaled, ancien membre des Ultras Ahlawy, le groupe supportant le club du Caire d'Al AhlyPour moi, c’était le dernier jour de mes examens au lycée. Normalement, après cela, tout le monde sort. Mais dans mon lycée, on a été prévenu qu’il y avait des problèmes à Tahrir. On n’a pas pensé à une révolution au début, on s’est dit que c’était une petite manifestation ».

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Symbole de la Révolution, Khaled Saïd sera aussi la goutte d’eau qui fait déborder le vase déjà bien plein de la colère égyptienne contre son gouvernement. Un rendez-vous est donné le 25 janvier 2011, place Tahrir, pour une manifestation sans plus grande prétention.

Comme le point d’orgue d'une colère jusque-là réprimée, cette journée était nécessaire à chacun. « Tout le monde était étouffé par ce que faisait le pouvoir. Il fallait descendre et dire stop. Stop, arrêtez, souffle Golden, le supporter ultra de Zamalek, l'autre club du Caire et meilleur ennemi d'Al Ahly. La majorité du peuple égyptien, surtout la classe moyenne, a suivi et a décidé de descendre dans la rue ». Un mouvement inspiré de ce qui a débuté en Tunisie un mois plus tôt, avec la destitution du président Ben Ali. 

 

« Tout le monde essayait de crier le même slogan qu’en Tunisie pour réclamer la fin du système », se souvient Sohan, lui aussi membre des UWK07, le groupe ultra de Zamalek. « Une fois la nuit tombée, on continuait à chanter. Quelqu’un a allumé un fumigène. C’était comme dans un stade, mais sur une place. On espérait au moins mille personnes, nous étions 15 000 dans la rue à manifester ensemble », poursuit le résident de Dar as Salam, un quartier au sud de la ville.

 

Sohan, n'était encore qu'un adolescent en 2011. « J’ai senti le danger, raconte celui qui était accompagné de son meilleur ami ce jour-là. Mon père et celui de mon ami essayaient de nous appeler pour nous demander de rentrer. J’avais 17 ans et mon ami 15, récite le Cairote, ému encore dix ans après. Nous avons quitté la place vers 22h. En rentrant, je suis allé dans un cybercafé pour suivre ce qu’il se passait à Tahrir. J’ai trouvé des vidéos de la police qui “nettoyait” la place, qui chassait les protestants ».

 

13 000 policiers ont en effet été mobilisés la nuit du 25 au 26 janvier 2011 pour chasser les manifestants de la place Tahrir.

 

L’objectif premier du rassemblement était de réclamer la fin de cet Etat policier, qui régnait alors d’une main ferme sur tout le pays, et de l’état d’urgence, qui permettait aux forces de l’ordre d’intervenir pour toute raison, voire même aucune, parfois. De mettre fin aux abus et à la répression policière subie depuis des années sous Moubarak. La contestation prend une tournure plus anti-système au fil des jours, notamment lorsque les manifestants commencent à réclamer le départ d’Hosni Moubarak et l’établissement d’une démocratie.

Le 28 janvier 2011 sera marqué par l’horreur. Nommé le jour de la colère, les manifestants font face à une riposte policière sans précédents. Coupure du réseau cellulaire et du réseau internet pour interdire toute communication, inondation de pétrole dans les rues afin d'incendier les artères de la ville, les forces de l'ordre redoublent d’imagination pour éviter le million de protestants visé par les organisateurs.

 

Mais la violence s'ajoute très vite à l'imagination. « Le 28 janvier, les policiers m’ont tiré dans les jambes avec un fusil à plomb. J’avais des éclats de métal dans les deux jambes. Je suis resté chez moi pendant cinq jours, je ne pouvais pas utiliser ma jambe droite », rapporte Sohan, la voix tremblante. Sur les ordres du régime, un couvre-feu est instauré et des blindés de l’armée bloquent les routes du Caire. 

 

Comme Sohan, de nombreux ultras se sont retrouvés en première ligne de ces affrontements. « À cette époque, on avait envie de se révolter. Notre leader, Sayed Moshagi, actuellement prisonnier depuis 2015, était parmi les premières personnes à participer à la Révolution », déroule le jeune Golden

 

Toutefois, la nuance doit être de mise : la Révolution égyptienne n’est en aucun cas une initiative des mouvements ultras, mais bien de la jeunesse du pays. « Les ultras ont publié sur leur page Facebook qu’ils ne supportaient pas en tant que groupe le rassemblement du 25 janvier », indique Ronnie Close.

Les Ultras Ahlawy et les Ultras White Knights endossent alors le costume de protecteur durant ces combats. Ce n'étaient pas leurs premiers affronts avec la police. « Effectivement, nos expériences passées ont eu un rôle très important pour nous défendre, nous et les autres contre la police », ajoute Golden.

Sébastien Louis, historien spécialiste des mouvements ultras éclaire les raisons de l’importance de la participation des ultras cairotes au printemps arabe égyptien.

La suite de l’histoire on la connaît. Hosni Moubarak par l’intermédiaire de son vice-président annonce son départ le 11 février 2011, après 29 ans au pouvoir. Le Conseil Supérieur des Forces Armées (CSFA) assure l’intermédiaire en plaçant le général Tantawi à la tête du pays, qui promet à terme d’organiser des élections libres et démocratiques. Mais cela ne mènera à rien. « On voyait toujours le même visage, celui de Moubarak. Cela n’a pas changé, déroule Golden. Je me souviens d’une caricature connue représentant le visage de Tantawi, qui était caché derrière celui de Moubarak. »

Elle aura tout de même eu pour effet d’attirer de nombreux curieux qui se sont pris dans la liesse générale des quelques jours d’occupation de Tahrir. Les groupes ultras ont connu une recrudescence d’adhésion courant 2011. Ils deviennent plus populaires que jamais en Egypte. « Avant, au stade on était 3-4000 personnes. Mais après la Révolution, à chaque match on était 30 000. La police avait peur de nous alors ils nous ont un peu laissé tranquille », rapporte l’Ultra Ahlawy, Khaled. « Beaucoup de nouveaux membres sont arrivés dans le groupe après la Révolution, complète Golden. De base, ce n’est pas un problème. Tout le monde est le bienvenu s’il respecte la mentalité ultra et ce concept de libertés ».

 

Cela a tout de même posé problème aux membres originels, ceux qui n’étaient là que pour la passion d’un club. Les jeunes et très jeunes rejoignant les mouvements n’avaient pas connaissance de cette mentalité nécessaire pour se sentir appartenir au groupe. C’est ce que regrette Khaled. «Ils ne connaissaient pas exactement ce qu’était la mentalité ultra. Avant on avait des réunions où on l’expliquait. Mais après la Révolution on n’avait plus le temps », stipule l’UA07

 

Forts des nouveaux bras qui ont rejoint la bande, les ultras créent à nouveau. Des chants anti-police, anti-régime mais aussi en hommage à la Révolution.

 

Des actions qu’ils s’apprêtent à payer de la plus dure des manières dès 2012.

Le 6 juin 2010, Khaled Saïd est attablé à un cybercafé de la ville d'Alexandrie, sur la côte méditerrannéenne. Une journée comme une autre pour ce jeune homme de 28 ans qui revient alors de ses années d’études en informatique, aux Etats Unis. Rien à craindre jusqu’à l’apparition de deux policiers en civil qui s’en prennent à Khaled, à la demande du propriétaire de l'établissementIl meurt sous leurs coups. Tous les témoins de la scène sont formels : les policiers se sont acharnés sur lui, sans raisons apparentes. Le rapport de police affirme lui qu’il s’est étouffé lui-même, avec une boulette de haschich.

 

À la morgue, le frère du défunt prend des photos du corps et les diffuse sur internet. Ces clichés choquent. Elles deviendront le symbole de la violence policière lorsque Wael Ghonim s’en emparera. Cet Egyptien, alors âgé de 31 ans, travaille chez Google. Il décide de créer un groupe Facebook avec pour mission d’éclaircir les circonstances de la mort de son compatriote, qui ne sont toujours pas claires aujourd’hui. Après près de six mois de discussions, le 24 janvier 2011, un appel à la manifestation est lancé sur le réseau social.

« Il y a plein de facteurs qui ont mené au 25 janvier et au soulèvement de la population, détaille Ronnie Close, chercheur à l’Université américaine du Caire et journaliste ayant travaillé sur les ultras de la capitale. L'affaire Khaled Saïd a provoqué une grande campagne en ligne. Les réseaux sociaux ont mis cette tragédie en avant, mais les raisons qui ont poussé les gens à descendre dans la rue sont un peu plus complexes ».

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Martyrs, le destin des Ultras du Caire 

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a feu et a sang

les bras de la contestation

reconnaissance envers les ultras

Place tahrir, le caire

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Retour dans la chambre

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« J’ai souvent tendance à dire qu’ils ont été les bras de la contestation, déclare-t-il. Pas uniquement eux, il faut aussi relativiser leur rôle, mais ils ont eu un rôle d’importance, et ils ont permis en partie de transformer le régime, et de chasser Moubarak ».

« On a fantasmé leur rôle. Les ultras n’ont pas été les fers de lance de la Révolution, ils y ont participé. Ils ont été les bras de la Révolution parce qu’ils sont intervenus à un moment décisif, précise Sébastien Louis. Mais ce ne sont pas eux qui ont déclenché le mouvement, ils n’ont pas été les moteurs du soulèvement mais ils ont été les combustibles ».

« On a senti que notre Révolution était perdue, qu’elle nous échappait, poursuit-il. Il fallait réagir contre ce nouveau pouvoir. Cela passait par les stades aussi : il y a eu des chants, des tifos contre la police et le pouvoir de Tantawi. Ce qui a eu des mauvaises conséquences pour nous ...».

Selon lui, ce sont leurs techniques d’organisations, de camouflage, de dissimulation, de lutte contre les gaz lacrymogène, de déplacement rapide et tout leur savoir-faire qui ont pesé dans la balance, pour défendre la population dans la rue.

Ils ont notamment fait la différence lors de l’attaque des chameaux, une attaque orchestrée contre les manifestants anti-gouvernementaux. Comme son nom l’indique, les forces ont assailli la population à dos de chameaux et de chevaux, le 2 février 2011. Cet assaut, à l'initiative  de Gamal Moubarak, fils du dirigeant en place, fut une nouvelle tentative d'ordre dans la ville. Elle se solda par une défaite pour les autorités, ne faisant que croitre les vélléités à l'encontre du président.

 

Plus les jours passent, plus l’ambiance ultra gagne tout le groupe de protestants. Les chants, la tenue vestimentaire, la philosophie, les chorégraphies même : tout y passe. Les ultras en Egypte sont plus populaires que jamais.

 

Cela explique pour Ronnie Close pourquoi il est si difficile de séparer les ultras de la Révolution, eux qui ont l’habitude de l’organisation millimétrée. « En Egypte en 2011, la chose la plus impressionnante à voir était cette organisation collective de la population. Une énergie collective et positive, venant de personnes de différents âges, de différents horizons. C’était frappant de voir ce fossé entre la violence, la peur et l’espoir de vivre quelque chose de nouveau », développe le journaliste irlandais.

 

Des vocations se sont révélées comme le talent de tagueur de Sohan qui recouvre dès cette année-là les rues de la capitale par ses graffitis à la faveur de son club, le Zamalek SC, de la Révolution ou même de la Palestine. Lui et ses collègues ont recouvert les murs du Caire, meilleur terrain d’expression, donnant encore plus de visibilité aux mouvements. 

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« C'était comme au stade, mais sur une place »

 

SOHAN

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